Confinement : Hey, pourquoi tu parles pas à table ?

Quand cette question m'a été posée, j'avais déjà remarqué ça depuis un certain temps : elle ne m'étonna pas.

Je savais bien pourquoi, submergé par les sentiments, les idées, les craintes, le stress, je savais bien pourquoi je ne parlais pas.

Fallait-il pour autant le faire, parler, et communiquer par la même occasion mon stress à mes proches alors qu'ielles étaient encore à l'état de sidération due à la vitesse à laquelle le confinement avait été mis en place, à la détresse du personnel soignant, etc ?

La réponse a alors été non. Je continuerai à cogiter mais le fruit de mes réflexions irait sur le papier. Le papier serait l'endroit où je pourrai tout noter, rassembler, trier ordonner.

Ici, je vais vous livrer mes pensées en deux billets :

  • Le premiers, celui-ci, la rage contre ces gouvernements qui ont tout fait pour détruire nos services publics dont ceux de la santé. Au profit du privé et de quelques-un. Les mensonges à répétition de ces derniers jours pour tenter de faire croire que la situation était sous contrôle, anticipée, ... alors que tout laisse à douter de cette version.
  • L'après crise sanitaire. Parce que oui il y aura un après et c'est cet après qui m'inquiète bien plus que la crise sanitaire. Au moment même où les gens décomptent, et c'est bien normal, le nombre de cas et de décès. Penser l'après, ça peut aider à tenir, à éviter de tourner en rond dans son bocal. Quelque part c'est un peut rêver de demain, chercher ce que l'on souhaite pour notre avenir, pour en construire un objectif de vie.

Commençons donc.

Submergé par la rage

J'ai la rage. La rage que nos services publics aient été massacrés pendant des années à coups de hache, sous prétexte que ça "coûte un pognon de dingue". Créant par la même occasion des déserts médicaux et des déserts de services : on ne compte plus les les petites villes qui n'ont plus aucun accès à aucun service, ceux où même La Poste a disparu.

Gauvain Sers - Les oubliés

Donner le nécessaire au service au public ce serait un problème, ce serait pas possible, le public ne sait pas faire, le privé sait (je suis sûr que vous aussi vous avez déjà entendu ces conneries).

Et pourtant, le privé ça donne quoi ? En temps normal : ça donne des prestations plus chères pour les fonds publics (on doit bien marger quand on est une boite privée quitte à réduire la qualité du service rendu pour le même montant facturé - chose qu'il n'y a pas besoin de faire quand on est un service public). Et c'est sans compter les entreprises qui se gavent à coup de partenariats public-privé, de CICE, de CIR (coucou les société de service informatique - entre autres - qui volent de l'argent sur des projets qui n'ont absolument rien à voir avec la recherche), de flat tax, de suppression d'ISF, de dividendes toujours plus conséquents quand les salaires stagnent, l'évasion fiscale,...

Réduire ces coûts (coté privé) ce serait impossible alors que de l'autre côté, on comprime, on dépouille, on détruit le service public, ce bien commun. A coups de discours autour de "le privé c'est mieux que le public", "le public sait pas faire", ... alors on passe tout au privé y compris les services les plus sensibles et vitaux (santé, eau, électricité, télécoms, assainissement, recyclage, ...). Et pourquoi le privé le fait ? Ben parce qu'il le peut et qu'en plus c'est son essence. Et pourquoi il le peut ? Parce qu'il y a des défaillances (quand ce ne sont pas des connivences) dans le contrôle des prestations. Ces mêmes contrôles qui manquent dans les chaînes hiérarchiques où l'on a toute la latitude pour faire de la merde dès lors que le supérieur en fait, que le supérieur du supérieur en fait et ainsi de suite. Vous avez déjà vu des médiocres dans votre entreprise ? Il se passe quoi quand on met un subordonné sous un médiocre ? Il se passe quoi quand on met un corrompu au dessus d'autres gens ? On doit bien finir par se dire "oh ben si le boss le fait, j'ai de la marge pour faire pareil ou presque".

Le défouloir : l'écriture

Nous sommes donc en Mars 2020 quand je commence à écrire ces lignes et déjà l'ancien monde, celui qui nous a mis dans la merde en nous privant de la clairvoyance, de l'anticipation, de la transparence et de masques.

Et même si Macron ne le veut pas, nous on est là et même s'il veut pas qu'on ait un esprit critique sur leur gestion de cette crise, la démocratie exige qu'on fasse cet exercice. "Essayez la dictature" - non désolé on a déjà essayé. Et n'en déplaise à votre majesté, les "gens qui sont rien" ont le droit de se poser des questions sur cette gestion de la crise. Ne serait-ce que les annonces du type les masques ça sert à rien (alors que la vrai annonce aurait dû être #yenAPas) pour dire quelques semaines après que même une écharpe c'est mieux que rien ou encore de parler de dé-confinement pendant plusieurs jours et pleurer après que les gens se relâchent à la veille de lancer une application de "contact tracing") Sibeth Ndiaye face à Jean-Jacques Bourdin en direct

Et ne parlons pas du chantage au tracking :

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La vague impression que n'importe qui d'autre aurait mieux agit qu'eux

Mon premier réflexe a été de me dire que c'était bien étonnant qu'au ministère de la santé il n'y ait personne pour faire une veille comme je le fais dans un autre domaine (informatique). Étonnant surtout quand on voit la quantité de publications sur le sujet. Même sans faire trop d'efforts, le confinement je l'ai "senti" arriver quasi une semaine avant sa mise en place effective. Parmi les premier papiers parlant du sujet on en trouve par exemple :

A noter qu'il y a peut être bien eu des cas de covid19 en Italie en novembre 2019, en tous cas des médecins ont observé quelque chose qui s'en rapproche. En Chine le début est en novembre aussi.

Il était évident que cette épidémie sortirait de la Chine. Sans même compter sur l'idée qu'on a mis dans la tête des gens que c'était OK d'aller passer un week-end / une semaine à l'autre bout du monde parce que les avions c'est pas cher.

La cerise sur le gâteau

La cerise sur le gâteau : apprendre dans Le Monde que l'ancienne ministre de la santé (Agnès Buzyn) savait, au moins le 11 Janvier que cette affaire allait prendre une ampleur de fou. Et on a fait quoi entre le 11 janvier et le 17 Mars (date du confinement) ?

N'aurait-on pas pu anticiper les commandes de masques, de tests, anticiper la doctrine de confinement, généraliser les tests des gens revenant de Chine ? Non, on a poursuivi l'organisation du premier tour des municipales. A-t-on pris des pincettes avec les équipes qui ont rapatrié les gens de Chine au tout début de l'épidémie ? Et le rassemblement de Mulhouse du 17/24 février ?

Au hasard n'aurait-on pas dû suivre le rapport de Santé Publique France de MAI 2019 où on apprend (voir aussi le Canard Enchaîné à ce sujet) :

En cas de pandémie, le besoin en masques est d’une boîte de 50 masques par foyer, à raison de 20 millions de boîtes en cas d’atteinte de 30% de la population.

La Pandémie Créole contre le Covid-19 - «Très Mal Masqué» Encore avec le Canard Enchaîné on apprend que plusieurs rapports recommandaient d'agir pour prévenir ce genre de situations ; alors oui c'est difficile de se dire qu'on va devoir mettre de l'argent dans un truc qui arrivera "peut être" mais si c'est pour affronter une situation économique comparable à 1945, à quoi bon ?

Tiens mais Santé Publique France c'est quoi au fait ? Ah tiens ça a été créé en 2016, c'est une fusion de plusieurs entités, et le bousin ne semble pas avoir été éprouvé avant cette crise du coronavirus #baptèmeDuFeu. L'article de mediapart "Masques: les preuves d’un mensonge d’État" achève le tableau en faisant un inventaire des déclarations publiques des ministres, président, portes paroles, mis en face des faits. C'est édifiant.

Cet article de public sénat décrit un peu le pourquoi on en est là coté masques TL;DR #spasNous #spasNotreFaute #cestLaFauteDesZautres.

Encore un autre article, cette fois dans Le Point : "Comment la France se prive de 150 000 à 300 000 tests par semaine" :

Depuis le 13 mars, le gouvernement dispose d'une solution pour augmenter considérablement les capacités de tests de la France. Mais rien n'a bougé.

13 mars ? 4 jours avant le début du confinement. On aurait probablement pu, grâce aux vétérinaires, tester, tester, tester. Comme le font l'Allemagne et la Corée du Sud quoi. Cassons le thermomètre c'est plus pratique, et puis comme on dit ironiquement dans mon secteur d'activité : "Tester c'est douter".

La couronne sur le génépi c'est quand même les déclarations dans le Monde de l'ancienne ministre de la santé qui a démissionné en janvier pour se lancer dans les municipales en pleine crise du coronavirus. On apprend aussi le 4 avril dans mediapart qu'il y a une autre pilote de moins dans l'avion : la conseillère santé du président...  qui avait annoncé la couleur (la date de son départ) dès son recrutement. La présidence avait 2 ans pour trouver un remplaçant... et on s'est retrouvé sans personne à ce poste de fin janvier à début mars. #leTempsJouePasContreNousNonNonOnDisrupteraAussiLeTemps

Se faire prendre pour des lapins de 3 semaines

Et pendant tout ce temps on a dit tout et son contraire aux gens (les masques et les tests c'est pas utile alors que l'OMS dit le contraire, puis c'est utile; il faut surtout pas sortir mais faut quand même aller travailler; on fermera pas les écoles mais on les ferme le soir même; faut pas sortir au resto mais on se balade sur les bords de seine, c'est "C’est le moment de faire des bonnes affaires en Bourse" d'après la secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie alors que ça se casse la gueule comme jamais 2 jours après etc), rendant la communication illisible, du talonnement à tous les étages quand ya plus personne à la barre du navire les matelot·e·s se mobilisent pour tenter de gagner du temps. Il y a eu toutes les personnes qui se mobilisent pour créer des équipements médicaux de base (allant du bricolage à des trucs bien plus sérieux), d'autres qui se sont mobilisés dans les hôpitaux, d'autres pour qu'on puisse bouffer, etc. Bref on a fonctionné sans les couronnés de ce monde.

On ne parlera pas non plus des masques périmés (qui peuvent avoir des élastiques qui lâchent au pire moment) voir moisis.

On a réussi à trouver la force, l'ingéniosité que l'on a en nous pour trouver des solutions alors que "là haut" ielles sont gavés au mondialisme tout centralisé autour de trop peu de production de matériels essentiels et en comprimant tellement tout qu'on n'a même pas de marge de manœuvre avec du stock. On fait cocorico avec nos 30 place supplémentaires dans notre hôpital de campagne quand à Londres ielles montent 4000 lits en 10 jours.

Ca fait plus d'un an que l'hôpital réclamait des solutions, à coup de mépris on leur a craché à la gueule "ya pas d'argent magique" qu'on entend. Là on en trouve de "l'argent magique" (spoiler : ça n'est pas magique: on s'endette et va falloir, selon leur vision des choses raquer pendant combien ? 10 ? 20 ans pour "rembourser" ça ?).

Et surtout, quoi qu'il arrive n'oublions jamais à quel point les puissants sont méprisants et huileux quand ils sont à genoux.

1ers de cordée = dernières lignes

Le 25/03 le président, dans son discours depuis Mulhouse, a osé dresser un tableau des premières, secondes et troisième lignes renversant l'échelle des normes jusque là en vigueur avec ses "premiers de cordée".

On remarquera bien aisément que dans son tableau ses premiers de cordée ne sont même pas présents, même pas en 4ème ligne dans son discours. Normal, on se demande bien où ils sont ces premiers de cordées dans la lutte.

Aujourd'hui le monde est suspendu aux performances, à la résistance, à la persévérance  des maillons essentiels de nos vies, maillons qui le reste du temps sont payés au lance-pierre là où le trader (par exemple) inutile gagne des millions... Pour quelle utilité sociale ?

Aujourd'hui le monde court comme un dingue pour tenter de sauver les pots cassés. Cassés par des politiques managers/RH qui n'ont eu de cesse de tout casser ce que nous avions de plus cher : le service public. Pour donner aux entreprises sans compter avec le CICE, pour graisser la patte des plus riches, en supprimant l'ISF et en mettant en place la flat tax, frauder au chômage partiel il y a du monde.

La casse des conquis sociaux n'attend pas la fin de la crise sanitaire

Il y a aussi du monde pour casser les conquis sociaux : Le 25/03/2020 marque un tournant historique avec les 25 ordonnances prises par le gouvernement qui nous fait entre autres retourner à la semaine de 60h, remet en question les congés payés etc. Un beau retour en arrière. Qui peut croire qu'on peut rester en bonne santé au delà de 35h hebdomadaires ? C'est quoi le but de nos vies : produire produire produire jusqu'à l'épuisement sans occasion d'espérer d'avoir du temps libre qu'on nous promet à la retraite qu'on nous raccourcit toujours plus ? Combien mourront au boulot par épuisement ? C'est ça le progrès ? C'est ça le bénéfice ce système capitaliste pour le peuple ?

La patience devrait nous amener à les voir jugés (si tant est que la justice puisse être indépendante et suffisamment efficace).

On ne peut se satisfaire de danser entre des "on se souviendra de ceux qui n'ont pas été à la hauteur" et en même temps des "soyez fiers d'être amateurs".

Sauver le capitalisme, son besoin croissance qui n'a aucun sens ?

Il est temps de quitter le modèle économique poussé par Milton Friedman et d'affirmer que le capitalismo-néo-libéralisme truc ne marche pas. Ça tue des gens et qu'il est inconcevable de garder un tel modèle économique basé sur des trucs qui n'existent juste pas (la terre a des **FUCKING RESSOURCES FINIES **la croissance c'est pas possible).

Aujourd'hui pour sauver encore une fois le capitalisme - ce bidule qui ne marche pas malgré 40 ans de promesses et 40 ans d'échecs - on cherche encore à rajouter une pile de merde sur toute la merde avec l'émission de Coronabonds.

On la fait courte : les Coronabonds c'est : on mutualise de la dette au niveau Européen parce que la dette d'État ça suffit pas.

Et dans 10 ans, au prochain échec du capitalisme néolibéral on ferait quoi ?

Des World Bonds ?

Des Mars Bonds ?

Jusqu'où cette connerie ira-t-elle ? On doit en arriver là ? Montrer qu'on est "cap", comme si on était resté en CM1 dans la cour de récré, de jouer à ça avec le premier banquier qui passe : "If you can't agree on debt mutualization in such a social crisis, it may never be done" ?

Arrêtes tes conneries range ta pelle et ton seau ton château de cartes prend l'eau !

Doit-on rappeler que derrière chaque dette souscrite il y a un remboursement et que ce remboursement se fait sur le dos du peuple qui doit trimer de longues années (voir à survivre des des plans d'austérité) pour satisfaire les prêteurs ?

Qui a encore envie de plus de dette et plus d'austérité dans les rangs du peuple ? Qui a envie de se voir dire "faudra bosser plus dur", "faudra faire des efforts", "faudra travailler plus" (comme si on se touchait la nouille jusque là) ?

Et à contrario qui a envie de voir ces raclures de banksters disparaître ?

Alors, à l'heure où les bien pensant d'avant nous dessinent un monde d'après, alors qu'ils nous ont défoncé le monde d'avant et celui d'aujourd'hui, il est temps de réfléchir à ce que l'on veut pour demain. Nous n'avons pas besoin de leurs "lumières".

photo: "Lost in Thought" de Julien Lamour, CC-BY-SA