Est-ce peine perdue ?

15 ans. 15 ans que je pousse mes proches à adopter une hygiène numérique la moins pire possible. Essentiellement pour les protéger face aux dérives, abus, et dangers que certains outils numériques représentent. Outils qui ressemblent parfois plus à des armes qu'à des outils¹.

Tous ces efforts pour quoi au final ?

De plus en plus, et le confinement n'y arrange rien, il y a une sorte de relâchement. Les gens ont besoin de communiquer ensemble "quel qu'en soit le moyen". Et vers quels moyens se tournent-ils ?

Toujours les mêmes : des boites US, qui ne se privent pas de revendre les données personnelles, d'en faire des agrégations, du recroisement, voir qui détruisent le choix légitime d'être anonyme (voir ci-dessous pour un exemple). D'autres sont troués dès lors que l'on sort de la plaquette marketing.

Là cette fois le combo ça a été Facebook + Zoom. On ne reviendra pas sur le premier : il y a pas grand chose de nouveau sur le soleil je vous renvoie vers les films Brexit ou Nothing to Hide. Par contre pour zoom voila là pétachiée de trucs qui trainent à son sujet (et c'est que les problèmes que j'ai croisé en une semaine de lecture inatentive à son sujet) ; chaque élément de la liste ci-dessous devrait faire fuire les gens pour aller vers des alternatives respectueuses² :

Vous trouverez plus de détails sur le sujet, par exemple sur l'article "Zoom : retour sur une accumulation de failles" de NextInpact (abonnés) ou encore ici.

Bref avec tout ça comment arriver à comprendre que des gens utilisent encore ce genre d'outils ?

Là j'ai réagit pour mes proches mais je sais aussi que plein de boites utilisent Zoom (et d'autres qui l'interdisent), que des gouvernements l'utilisent, que la croissance de cet outil est phénoménale avec la crise du Covid-19 mais un outil présentant de tels problèmes devrait faire fuire immédiatement les gens. Car un produit qui présente tant de problèmes avec un nombre d'utilisateurs conséquent et une croissance rapide attire forcément les vilains que ce soit des gens dans leur garage jusqu'aux états puisqu'il y a du gros poisson, en abondance, "yapuka ferrer".

Quand bien même il n'y aurait pas des failles de sécurité sur cet outil je m'interroge sur ce qu'ont en tête les gens qui le construise. Recroiser les données avec Facebook et Linkedin c'est pas anodin. Et encore c'est le peu qu'on sait de cet outil. Est-ce que quand j'appelle quelqu'un je m'attend à ce que l'outil que je choisis fasse autre chose que de permettre cet appel² ? Est-ce que j'ai demandé du café, du thé et du cyanure au passage² ?

Il y a pourtant des alternatives (coucou BigBlueButton ou jitsi) ; avec de nombreuses instances qui ont été installées exprès (ou pas) pour répondre au besoin de lien pendant la crise actuelle. Ya juste l'embarras du choix.

Pourtant les copain·e·s se mobilisent et documentent les alternatives mais il semble que ça ne suffise pas.

A l'heure où les gouvernements comptent sur notre docilité pour nous faire installer des apps de "suivi", "tracing" pour lutter contre le covid-19, à l'heure où tous nos déplacements sont scrutés ; où les acteurs du numériques redoublent d'ingéniosité Orwellienne pour faire toujours pire, il est toujours temps de se poser des questions sur ses choix. C'est pas juste d'autres outils, c'est pas juste un autre mode de vie, c'est de la survie. C'est une réflexion du "comment je me protège ?".

Vous imaginez ce qu'aurait été le monde avec des pouvoirs dictatoriaux (stasi &co) avec de tels outils de suivi et d'écoute de population ? Je (Content Warning sex) pense qu'ils s'en seraient tellement tripoté la nouille qu'on aurait rempli la banque du sperme pour au moins 20 générations.

Nous parlons énormément (trop) du déconfinement alors que nous n'avons aucune porte de sortie (pour l'instant) pour envisager de nous revoir dans le même meetspace. Il nous faut attendre les avancées scientifiques, attendre que les équipements médicaux arrivent, etc. Une solution technique impliquant du tracking n'est pas la solution. Ce n'est ni acceptable ni souhaitable.

Vu le taux d'acceptation des technos dégueulasses pour communiquer en temps de confinement (et le reste du temps) il nous reste quoi comme marge de manœuvre pour imaginer la suite de nos jours sans tracking, sans acceptation de ces dispositifs coercitifs ? Quelle liberté restera-t-il aux personnes qui refusent de tels dispositifs ? Que restera-t-il de nos échanges libres, de nos rencontres, de nos réflexions pour un autre demain que ce que nous réserve le capitalisme dont les derniers faits d'arme (outre priver les populations de se protéger avec des masques) sera la perpétuation et l'amplification d'un Capitalisme de Surveillance ?

N'oublions pas, qu'en temps de confinement plus que n'importe quand, nous communiquons via des artifacts techniques. Il est important de choisir des outils où on peut avoir confiance, où on est certain qu'il n'y aura pas des tiers pouvant écouter nos échanges. Choisir un outil ne garantissant pas le minimum de sécurité (chiffrement de bout en bout correctement implémenté) c'est comme si on se donnait rendez-vous dans une pièce avec des micro espions qui captent ce que nous disons : nous ne les voyons pas, pourtant techniquement rien ne les empêchent d'être là. Peut-être que personne n'écoute, mais comment le savoir ? Toujours ce panopticon qui traine dans les parages.

J'en arrive à un point où j'ai même plus envie d'aider mes proches et d'aller vers un chacun pour sa gueule. Ça fait 15 ans que je me casse le cul tout ça pour quoi au final ?

¹ quand un outil contient plus de fonctionnalités de tracking/espionnage/collecte d'informations que de fonctionnalités légitimes, je m'autorise à me poser la question.

² nous sommes en droit d'exiger que l'on nous respecte ; les outils numériques n'ont pas à nous poignarder dans notre dos quand nous les utilisons ; nous devons pouvoir les utiliser en ayant l'esprit libre.

Photo: "The Singing Ringing Tree, Crown Point, Burnley, Lancashire" - Pigalle